Jalons d'Achille

Laurent P. Weber, Directeur de publication

Ma première pensée fut : "Nécessairement, l'ignorer est la manière la plus raisonnable de considérer un non-évènement". Et déjà, au détour de la seconde, je vous soupçonnais de vouloir nous taxer d'une par trop naïve abrupteté. D'ailleurs, ce non-évènement-ci comptant parmi les plus célèbrés de ce siècle, un coup-de-pied dans le soufflé, avant qu'il ne retombe, ne relève que de la bienséance.

Soit, le pathos ambiant ne s'encrassera pas bien d'avantage d'un obladi-oblada au moment cristallin du douzième coup. Somme toute bien innocent, cet instant a le mérite d'être l'étendard de l'affligeante mouvance de l'événementiel qui aujourd'hui prédomine, celle qui prend racine dans ce fascinant terroir, où copulent le non-événement et un certain flou des symboliques. Résonnant creux, cet événementiel-là a pris le pas, à différents niveaux, sur le relationnel, le recul, la notion de problèmatique. Ces jalons, qui ont de tous temps biaisé la donne de différents aspects des rapports humains, s'affinent de manière croissante dans une trame tragico-burlesque : fut un temps où l'accès à l'information était un privilège, il faut se battre aujourd'hui pour échapper au surplus et à une certaine hiérarchisation des informations, sur laquelle nombre de médias semblent pratiquer le flirty-fishing. Mais tout autant simpliste serait de ramener la source du mal aux médias, prisonniers du carré parfait formé entre ces derniers, leurs audiences et investisseurs, et le pouvoir politique. Nous y consacrerons par ailleurs un dossier thématique dans une autre édition.

La conclusion récente d'un partenariat avec Montréal à Donf, qui s'inscrit dans notre vision d'échange interculturel à travers la francophonie, est l'occasion de signaler une petite expérience à laquelle s'est livré notre désormais partenaire montréalais. Laurent Rabatel, Rédacteur en chef de cette publication, concède ses illusions perdues après avoir publié en exclusivité une interview ainsi que le premier chapitre du dernier ouvrage d'un auteur Canadien, Pierre Samson. 300 communiqués de presse et deux semaines plus tard, moins de 300 accès supplémentaires à leur site et une couverture médiatique résolument nulle sont venus couronner cet essai. L'édition d'après, recelant un canulard de baby-sitting par internet, a généré en 14 communiqués de presse et sur une même période, 4000 accès et une couverture dans divers médias, et pas des moindres. Vous trouverez un historique de cette expérience ainsi que des quelques remous qu'elle a provoqué à l'adresse suivante.

La rédaction d'Empirique vous souhaite une bonne lecture de cette seconde édition, et se joint en choeur, dans le laps de temps qui nous sépare de... l'année prochaine, à André Gide :
"Les évènements m'ennuient; ils ne sont que l'écume des choses et ce qui m'intéresse, c'est la mer."


©1999 Laurent P. Weber
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